CFTC Paris | 3 questions à Ghislain Lafont
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3 questions à Ghislain Lafont

3 questions à Ghislain Lafont

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« 3 questions à » est un espace d’expression que nous ouvrons à des personnalités qui nous semblent dignes d’intérêts. Nous ne sommes pas forcément en accord avec elles, mais trouvons leur point de vue et leur expérience intéressante.

A vous de juger !

Joseph Thouvenel

 

3 questions à Ghislain LAFONT

 

Ghislain Lafont, anGLcien président du conseil de surveillance de Bayard Presse et fondateur des Entretiens de Valpré, après plus de 40 ans de vie professionnelle comme dirigeant dans différentes entreprises (grande distribution, presse, banque) s’engage dans la vie politique comme candidat aux législatives de juin prochain à Paris sous la bannière de 577 Pour La France (www.577.fr) qui s’adresse principalement à des candidats de la société civile. Il a été juge au tribunal de commerce de Paris et est officier de réserve dans la Marine nationale.

  • Fondateur et animateur des entretiens de Valpré pendant 15 ans, quels enseignements tirez-vous de cette expérience intellectuelle et humaine?

 

D’abord une grande joie d’avoir tenu 15 ans, car cela signifie que l’enracinement des Entretiens de Valpré est désormais profond. Le passage de témoin à l’occasion du 15e anniversaire, atteste que cette initiative ne dépend pas d’une seule personne, qui en aurait fait son œuvre, mais que justement ce bien commun collectif va continuer à se développer au fil des prochaines années.

Ces 15 ans de rencontres, de débats, d’émotion, de vérité et de simplicité montrent, si besoin était, de la nécessité pour les cadres et les dirigeants, de savoir s’arrêter pour se parler, échanger, créer des réseaux d’amitié etc. dans un monde économique et social dur et de plus en plus vif.

L’alchimie de ces Entretiens peut être résumée en trois mots : confiance, audace et professionnalisme. Confiance des Assomptionnistes, qui animent le lieu de Valpré, et qui ont toujours accompagné ces Entretiens avec fierté. Audace parce que le comité de pilotage ne s’est jamais rien interdit en s’ouvrant sur des thèmes et des intervenants, souvent hors du commun et professionnalisme, car rien ne peut s’entreprendre, ni durer, sans cette dimension.

  • Vous avez été chef d’entreprise pendant 40 ans. Comment avez-vous vécu les relations sociales à votre poste de dirigeant ? Et comment voyez le syndicalisme français aujourd’hui, tant du côté salarié que du côté patronal ?

 

Dans mon cursus professionnel, j’ai eu l’occasion d’être DRH d’un grand groupe de presse, Bayard Presse, avant d’en être le président du conseil de surveillance.

Cette expérience a été véritablement un avant et un après pour moi. Un avant, considérant que les syndicats ne servaient qu’à ennuyer le patron et un après qui était la sensibilisation au dialogue en amont et la nécessité de contribuer à faire évoluer les relations direction/syndicat.

J’ai été très surpris en passant du côté de la direction comme interlocuteur des syndicats au comité d’entreprise, avec les délégués syndicaux, les délégués du personnel, le CHSCT etc., alors que je venais de responsabilités opérationnelles dans l’entreprise, de constater à la fois un dialogue de sourd et un jeu de rôle plutôt surréaliste.

J’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans ce théâtre et ai gardé toute ma liberté ce qui a étonné certains de mes interlocuteurs syndicaux, ne venant pas du sérail des DRH classiques. Il m’est arrivé de constater dans certains cas que les syndicats pouvaient avoir raison mais qu’au nom de la seule mission de défendre la direction, il fallait tenir une position à laquelle soi-même on ne croyait pas. La même chose d’ailleurs pour les délégués dont la mauvaise foi était patente sur quelques sujets.

Ce genre de posture, dans un environnement concurrentiel terrible, pour beaucoup d’entreprises, me semble dérisoire. Et j’ai été surpris de l’écart du discours en off, en préparation de certaines instances de négociation, et de la réalité au cours des réunions, pour des questions de positionnement de syndicats les uns par rapport aux autres  et aussi, bien sûr, aux centrales syndicales qui tenaient leurs troupes sur le terrain.

Une des questions récurrentes est celle de la représentation des syndicats dans l’entreprise. Un des points est celui de l’engagement des collaborateurs qui se mettent au service du bien commun en acceptant un mandat de délégué ; Avec la motivation réelle de cet engagement et de sa finalité. Ce qui m’a toujours interpellé est la question de la protection du salarié par rapport à l’inspection du travail. Ce qui peut entraîner la dérive d’un collaborateur, mal noté, qui a peur pour son avenir et qui utilise cette protection. C’est toute la question de la crédibilité de la représentativité des interlocuteurs vis-à-vis de la direction et de leurs motivations : celle de l’entreprise ou de leur syndicat.

Là aussi on peut y faire carrière d’une certaine façon, ce qui n’est pas sain.
Au-delà de ce point, il est urgent que direction et syndicats partagent une vision commune de la finalité de l’entreprise et soient des garde-fous mutuels de cette vision. Car, en effet, quand on préside ou qu’on dirige une entreprise, souvent dans un environnement très compliqué, on a besoin d’évaluation, de partages de doutes et de vérifications constantes de la navigation. Entre d’autres termes de confiance ! Et le sujet est bien celui de la confiance direction/syndicats.

Je pense que nous avons à progresser sur ce sujet, même si les niveaux d’engagements et de responsabilités ne sont pas sur le même plan. Sauf que, c’est bien de la pérennité de l’entreprise et de son avenir qu’il s’agit. Et donc de sa croissance, de sa rentabilité et des emplois présents et futurs.

Enfin, beaucoup de chefs d’entreprise ont encore une vision trop négative du syndicalisme, qui mène à des blocages. Une des clés passe par le dialogue et l’estime des personnes dans la vérité, surtout en cas de difficultés dans l’entreprise ou à l’extérieur. On dit souvent, «on a les syndicats qu’on mérite » et les politiques aussi. Alors, à nous chefs d’entreprise et syndicats (aussi bien patronaux que salariés) de rentrer dans une vraie dynamique pour bâtir et nourrir un dialogue à la fois dans le temps court et le temps long. En laissant tomber ces jeux de rôles.

  • Vous vous lancez en politique et êtes candidat aux législatives à Paris. Pourquoi cet engagement à ce moment de votre vie ?

 

Cela fait 40 ans que je veux m’engager en politique, mais la vie de salarié et de dirigeant ne facilitent pas l’engagement pour la conquête d’un mandat, principalement par manque de temps du fait des responsabilités professionnelles.

J’ai d’ailleurs été frustré durant tout ce temps d’être obligé de confier mon bulletin de vote à quelqu’un d’autre en lui déléguant cette tâche. Surtout quand on voit la situation politique de notre pays au bout de toutes ces années. Et donc, maintenant, jeune retraité, plus rien ne fait obstacle à un engagement politique à la fois pour faire campagne et assurer un mandat.

La professionnalisation, de fait, d’un maire, d’un député, d’un sénateur  etc. (dont certains en sont à leur 5e mandats), pose la question de la représentativité de l’Assemblée nationale. Toutes proportions gardées, le sujet est le même que « l’abonnement » aux fonctions syndicales évoquées dans la question précédente. A quand le choix libre des représentants syndicaux, hors de la décision du syndicat, par exemple.

Actuellement la majorité des élus est issue du monde de l’administration, de professions libérales etc. et très peu du milieu de l’entreprise. Ils peuvent faire facilement campagne et assurer leur  mandat une fois élu.

Hors, l’Assemblée nationale votent toutes les lois qui régissent le pays, y compris tout ce qui concerne le secteur marchand avec ses règles de fonctionnement. Sur les 577 députés actuellement il y en a moins de 10 qui ont exercé des fonctions de dirigeants avec des responsabilités opérationnelles.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de me présenter comme chef d’entreprise aux prochaines élections législatives à Paris, sous la bannière de 577 Pour La France, lancée par Jean-Christophe Fromantin, député maire de Neuilly qui est à l’initiative de cette démarche, hors parti, de proposer à des personnes de la « société civile » de prétendre à un mandat de député.

Dans une vie, après avoir eu une carrière professionnelle pendant 40 ans, alors que le pays a besoin de forces vives de remplacement (cf le cumul des mandats et son appel d’air), la question a été évidente de m’engager. Par rapport à une retraite classique déconnectée de toutes responsabilités, le choix n’a pas été long à faire. En plus, quand vous êtes encore en bonne forme physique et que vous avez une synthèse personnelle d’homme, de mari, de père et de grand-père, vous avez une liberté qui peut certainement contribuer aux débats de l’Assemblée nationale qui en a bien besoin. Sans calcul d’une réélection au bout du mandat.

Dans son discours d’investiture du 20 janvier 1961, le président Kennedy a bien résumé :

« Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays »

www.ghislainlafont.fr