06 Juin Chronique de Joseph Thouvenel: faut-il plafonner les indemnités prud’homales ?
Chronique de Joseph THOUVENEL du 06 juin 2017 sur Radio Notre Dame (100.7)
Louis Daufresne : Aujourd’hui, vous nous entrainez sur les chemins de la justice sociale.
Joseph Thouvenel : Le Président de la République a fixé quelques grands objectifs en matière sociale, y figure notamment le plafonnement des indemnités prud’homales.
Cette idée semble lui tenir particulièrement à cœur, puisqu’en 2015, ministre des Finances il imposa dans sa loi un plafonnement de ces indemnités en cas de licenciement abusif. Mesure retoquée par le Conseil Constitutionnel en raison de la différence de traitement inscrit dans le texte selon la taille de l’entreprise.
Louis Daufresne : Président de la République et patronat sont en accord sur ce point, cette réforme visant à lever des freins à l’embauche. Ce n’est pas votre avis ?
Joseph Thouvenel : Regardons concrètement les choses. De façon récurrente, il est affirmé que des entreprises auraient fait faillites suite à des condamnations prud’homales.
J’attends toujours un exemple précis à défaut d’étude statistique.
Par contre des faillites suite à des procès entre entreprises cela existe. Faut-il pour cela plafonner le montant des condamnations en matière de concurrence déloyale ?
Celui qui a volé le fichier client et les secrets de fabrication d’un concurrent doit-il réparer l’intégralité du préjudice ou son risque financier doit-il être plafonné ? Je suis de ceux qui pensent qu’un des principes d’une bonne justice, consiste à réparer l’intégralité d’un préjudice quand cela est possible.
Pourquoi faire une exception quand il s’agit de salariés ? L’on me dit que des entreprises sont parfois réticentes à embaucher, ne sachant pas combien leur coûterait la séparation avec un salarié.
La réponse est dans le code du travail. Pour un licenciement économique c’est 1/10 de mois par année de présence. Mesure qui peut être améliorée par la convention collective.
Rien de faramineux.
Reste les autres litiges.
Doit-on plafonner les indemnités que pourrait éventuellement percevoir un salarié qui a eu sa vie et celle de sa famille, saccagé après une fausse accusation de vol par exemple ?
Effectivement, il existe une zone d’incertitude, les prud’hommes, la Cour d’Appel et la cour de Cassation peuvent être imprévisible, dans un sens ou dans un autre.
C’est le problème de la justice en général, qu’elle soit civile, commerciale, pénale ou prud’homale.
Pour les partisans du plafonnement, celui-ci lèverait un frein psychologique à l’embauche. Si je puis licencier, je puis recruter.
En terme de création d’emplois, c’est zéro. Licencier un salarié pour le remplacer par un autre, c’est toujours un seul emploi, mais plus de précarité.
Dans un système économique ouvert, l’entreprise qui pourrait embaucher mais ne le fait pas, bride simplement son développement au profit de ses concurrents.
Enfin, dans la vie économique, il n’y a pas de certitude.
Faire appel à un nouveau fournisseur, décrocher un nouveau client, embaucher c’est prendre des risques, tout comme le salarié qui intègre une nouvelle entreprise, prend également un risque.
Les très fortes distorsions de concurrence au sein du marché unique en matière fiscale, environnementale, et sociale ne constitueraient elles pas les vraies causes du chômage en France, plutôt que l’éventualité hypothétique d’une potentielle condamnation prud’homale hors de proportion ?