CFTC Paris | Chronique de Joseph Thouvenel: Le profit est un moyen, jamais un but!
4221
post-template-default,single,single-post,postid-4221,single-format-standard,ajax_fade,page_not_loaded,,qode-theme-ver-10.0,wpb-js-composer js-comp-ver-4.12.1,vc_responsive

Chronique de Joseph Thouvenel: Le profit est un moyen, jamais un but!

Chronique de Joseph Thouvenel: Le profit est un moyen, jamais un but!

liberer-entrepriseJoseph Thouvenel : Un cadre d’une institution financière me disait récemment, que le moteur du monde était le profit, que seul celui-ci permettait aux entreprises de créer ou maintenir des emplois et qu’en conséquence, il fallait les « libérer de toute entrave » à commencer par l’abominable code du travail.

Je ne commenterai pas aujourd’hui cette expression à la mode, « libérer les entreprises » qui me laisse pour le moins dubitatif.

Libérer les entreprises, libérer le travail, libérer les mœurs. Il faut tout libérer sauf peut-être les prisonniers politiques à Cuba.

Mon interlocuteur faisant référence à mon appartenance à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens, termina son propos en affirmant d’un ton docte, que même le Pape était d’accord avec lui.

Il faisait sans doute référence à Saint Jean-Paul II, qui dans l’encyclique Centesimus Annus affirme que l’Eglise « reconnaît le rôle pertinent du profit comme indicateur du bon fonctionnement de l’entreprise ».

Rien à dire à cela, nous sommes dans la sagesse et le bon sens.

Une entreprise, du moins dans le secteur privé, se doit d’être rentable pour perdurer et se développer.

Dans le service public les choses sont un peu différentes.

Louis Daufresne : Vous pensez que les services publics n’ont pas à se soucier de rentabilité Joseph ?

Joseph Thouvenel : Non, mais la notion de rentabilité n’a pas forcément beaucoup de sens dans le service public.

Quelle est la rentabilité d’un hôpital ? Comment estimer le profit de la collectivité quand une ligne de train désenclave un territoire par exemple ?

Pour le privé, c’est beaucoup plus simple et beaucoup plus évident.

Pour revenir à Jean-Paul II, celui-ci ne parlait pas que du profit comme indicateur de bon fonctionnement de l’entreprise, il précisait également que la liberté était une bonne chose mais qu’il y avait « un devoir d’en faire un usage responsable ».

Laborem exercens précise que « la recherche de profitabilité ne saurait évincer l’objectif social et sociétal qui est le propre de l’activité économique ».

Quand à Benoit XVI, il souligne dans Caritas in Veritate, le problème posé par la focalisation sur la valeur actionnariale et insiste sur l’articulation étroite entre économie et éthique.

En clair le profit oui, mais pas n’importe comment ni pour en faire n’importe quoi.

L’entreprise est d’abord une communauté humaine, elle se doit de respecter chacun de ses composants, salariés, dirigeants, actionnaires, clients, fournisseurs. Le profit est et doit rester un moyen, jamais un but.

Le bénéfice doit être justement réparti entre les salariés, les actionnaires et l’investissement.

Nous sommes loin du laisser moi faire mes petites affaires comme je veux et la main invisible du marché s’occupera du reste.

Louis Daufresne : Vous ne croyez pas à l’auto capacité du marché à s’organiser ?

Joseph Thouvenel : le problème avec les intervenants invisibles, c’est justement que l’on ne les voient jamais en action.

Quand on se décharge de ses responsabilités sur un concept virtuel, les dégâts sont vite considérables.

L’histoire nous l’a suffisamment démontré, voyez le drame du XIXe siècle, pour être libre les entreprises étaient libres, pas de  syndicats, pas d’obligations ou si peu et ce fut la grande misère, l’exploitation éhontée des enfants, des femmes et des hommes.

La précarité permanente, le profond déséquilibre entre celui qui peut donner du travail et celui qui a absolument besoin de travailler pour survivre, ont été le terreau sur lequel ont prospéré les deux grandes idéologies mortifères du siècle dernier, le nazisme et le communisme.

Le fric, la dévotion au veau d’or, n’ont jamais fait le bonheur, mais ont toujours précipité la chute, qu’elle soit individuelle ou collective.