
10 Mai Chronique de Joseph Thouvenel: Le syndicalisme ne sert à rien ! Vraiment ?
Lire la suite
Chronique de Joseph THOUVENEL du 09 mai 2017 sur Radio Notre Dame (100.7)
Louis Daufresne : C’est une histoire vécue qui mêle entreprise et syndicalisme dont vous nous parlez aujourd’hui.
Joseph Thouvenel : Madame X est tout à fait charmante, issue de ce qu’il est convenu d’appeler un bon milieu, elle est comme son mari cadre supérieure. Etudes sans problème, brillamment diplômée, carrière sans anicroche, qualités professionnelles reconnues par tous, même si parfois sa rigueur pouvait ressembler à de la rigidité.
Depuis 15 ans dans la même entreprise, elle a toujours considéré que les syndicats ne servaient pas à grand-chose.
Toutefois pour le petit peuple salarié, dans des circonstances exceptionnelles, voulait-elle bien considérer que l’action syndicale pouvait peut-être avoir quelque utilité, mais que représentent ces gens ? Pas grand-chose pensait-elle, reprenant sans s’en rendre compte la doxa officielle, celle qui tourne en boucle comme le hamster dans sa cage. Ça tourne mais ça ne réfléchit pas.
Louis Daufresne : Un peu caricatural Joseph ?
Joseph Thouvenel : En 3 minutes forcément, mais cette petite histoire n’est pas une œuvre de fiction mais un compte-rendu d’une réalité, qui n’aurait pas véritablement d’intérêt s’il s’arrêtait là.
La belle entreprise de Madame X fut rachetée par plus gros qu’elle. Rien de choquant ni sur le fond, ni sur la forme ; la vie économique qui suit son cours, comme disait Madame X dans le passé.
Dans le passé, parce que depuis les choses ont évolué. Le poste de Madame X faisait doublon avec celui d’une personne de l’entreprise absorbante. Et là patatras fini veaux, vaches, cochons et carrière linéaire : bonjour placardisation et harcèlement. Tout y passe, ce qui était bien hier, devient médiocre voire irrecevable aujourd’hui.
Vous êtes écarté de façon informelle mais efficace des lieux de décisions, les informations utiles à votre travail ne vous arrivent plus ou avec retard. Les petits avantages liés à votre fonction disparaissent, plus d’accès au parking du siège, votre bureau passe de l’étage direction à l’entresol du service administratif. Tout cela se fait progressivement mais sûrement, la machine à déstabiliser et à exclure est en marche.
Et tout d’un coup, comme une révélation, Madame X se rend compte qu’un syndicat qui fait son travail, c’est nécessaire. Qu’avoir une écoute, des conseils, un soutien ce n’est pas simplement utile, c’est tout simplement indispensable.
Madame X a frappé à la porte de la CFTC et a trouvé conseils et appui. Très bien. Elle peut dire merci aux 140 000 adhérents de la CFTC, grâce à qui elle a été accueillie par une juriste en droit social. Juriste qui ne travaille pas sans rien, il faut des locaux, un secrétariat, des téléphones, des ordinateurs, de la documentation. En bref des moyens.
Si avaient été appliquées les théories d’efficacité économique auxquelles étaient tant attachée Madame X, elle aurait trouvé porte close. Quelle compagnie d’assurance va couvrir une personne qui vient la solliciter quand le sinistre est déjà survenu ? Je n’en connais pas.
Le cas de Madame X n’est pas isolé, il est même très fréquent.
C’est pourquoi je veux saluer ces militants qui donnent de leur temps, de leur énergie et de leur bienveillance pour apporter une touche d’humanité dans l’univers déshumanisé du matérialisme marchand.
Je connais les failles du syndicalisme en France, trop politisé, souvent catégoriellement égoïste, trop dans l’opposition systématique, mais ces défauts ne sont-ils pas à l’image de notre société ?
Par contre, je ne suis pas sûr que ceux qui critiquent, parfois et malheureusement trop souvent à juste titre nos syndicats, réalisent le travail quotidien au service des salariés que de modestes et anonymes syndicalistes effectuent avec générosité.
Qu’ils en soient ici remerciés.