
27 Juin Chronique de Joseph Thouvenel- Social: l’essentiel ou l’accessoire ?
Chronique de Joseph THOUVENEL du 27 juin 2017 sur Radio Notre Dame (100.7)
Louis Daufresne : Aujourd’hui, vous abordez les grands enjeux du monde du travail, vous allez donc nous donner votre sentiment sur l’évolution du Code du travail souhaité par le Président de la République.
Joseph Thouvenel : Exceptionnellement Louis, vous avez tout faux. Pour moi, les grands enjeux du monde du travail ne sont pas ceux-là. Ils passent par le sens du travail et la lutte contre le chômage.
Par le travail chacun s’affirme, met sa marque sur l’univers, devient co-créateur. Le travail est source de lien social, je travaille pour les autres et avec les autres. Enfin, le travail permet de se prendre en charge, d’être autonome, de fonder une famille.
Encore faut-il que le travail puisse être une œuvre, c’est-à-dire un acte réfléchi, faute de quoi il fait de l’Homme une machine, un simple instrument.
Aujourd’hui, la valeur travail est détruite par une mondialisation que nous avons rendue folle.
Louis Daufresne : Vous avez des exemples de cette folie ?
Joseph Thouvenel : L’expérience nous montre que quand nous portons au pinacle « la libre concurrence » sans mettre en place les nécessaires régulations, nous fabriquons notre propre malheur.
Prenons l’exemple de la Chine. Ce pays nous permet d’avoir un record du monde, celui du premier déficit bilatéral soit près de 29 milliards d’euros par an.
C’est-à-dire 60% de notre déficit commercial et nous ne réagissons pas. Pourtant quand nous apportons 29 milliards d’euros à un pays, fusse une dictature, nous sommes en position de force pour négocier et obtenir le respect des normes sociales fondamentales. Ce qui serait bon pour le peuple chinois et bon pour nos emplois, tout en respectant la valeur travail.
Louis Daufresne : Oui, mais les sociétés chinoises créent également des emplois dans notre pays.
Joseph Thouvenel : Certainement, environ 45 000 postes en France, quand nous fournissons 570 000 emplois en Chine.
Là aussi, le rapport de force nous est favorable, encore faut-il avoir la volonté de véritablement négocier et non pas de se soumettre au dictat du matérialisme marchand.
Je pourrai vous donner bien d’autres exemples Louis.
Ce n’est pas le code du travail français qui nous met dans cette situation destructrice d’emplois.
C’est la véritable concurrence déloyale que nous subissons en matière fiscale, environnementale et sociale.
Sans doute peut-on mettre de l’huile dans les rouages en simplifiant notre code, comme il faudrait simplifier l’ensemble des codes qui régissent notre pays.
Sauf à me démontrer que le code des impôts ou celui du commerce sont moins épais et moins complexes que celui du travail.
La question est dans le choix de nos priorités.
Pense-t-on vraiment que plafonner les indemnités que pourrait éventuellement recevoir un salarié qui a subi un préjudice avéré, nous mènera vers le plein emploi ?
C’est simplement gérer des détails plutôt que s’attaquer à l’essentiel.
Et l’essentiel, c’est redonner du sens au travail, à sa noblesse.
C’est de refuser que des enfants, des femmes et des hommes soient traités comme des choses, exploités de façon éhontés pour nourrir la cupidité du Veau d’Or.
Il ne s’agit pas de bêler à l’infini sur la perte de la valeur travail, si le travail a une valeur, il doit aussi avoir un prix pour les travailleurs. La course au moins-disant est suicidaire pour nos économies, générateur de misères et d’exploitation dans bien des pays.
L’intérêt de la France et de l’Europe, c’est par exemple, d’introduire des clauses sociales quand elles lancent un appel d’offre.
Ce serait économiquement et socialement fructueux et simplement moralement nécessaire.