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Contrat de travail et contrat de prêt

Contrat de travail et contrat de prêt

La première chambre civile de la Cour de Cassation a rendu le 5 juin dernier une décision extrêmement importante, quant à la protection des salariés qui bénéficient de prêt par leurs employeurs.

La Société EDF avait en avril 1995 consenti un prêt à l’un de ses salariés et son épouse (Co-emprunteurs) en vue de financer l’acquisition de leur habitation principale.

Le contrat prévoyait un remboursement en deux cent quarante mensualités.

Le 1er janvier 2002 le salarié démissionne. EDF fait alors application de la clause de résiliation de plein droit du contrat de prêt en cas de cessation d’appartenance du salarié à son personnel, et assigne les emprunteurs en paiement de diverses sommes.

Le premier point était de savoir quels étaient les normes applicables aux parties, celles du droit du travail ou celles du droit de la consommation.

Le second point étant de savoir, si la clause prévoyant le remboursement immédiat du capital restant dû, ou une indemnisation de l’entreprise pour remboursement anticipé, au cas où le salarié quitterait l’entreprise, était nulle car abusive.

La Cour d’appel accueille les demandes de d’EDF en estimant d’une part que « c’est en sa seule qualité d’employeur, et au regard de l’existence d’un contrat de travail le liant au salarié que la société lui a octroyé ainsi qu’à son épouse, un contrat de prêt immobilier. Qu’EDF n’est pas un professionnel au sens de l’article L132-1 du code de la consommation, quand bien même il existerait en son sein un département particulier gérant les avances du personnel, que les emprunteurs n’ont pas la qualité de consommateur au sens de ce texte.

D’autre part La Cour d’appel exclu le caractère abusif de la clause stipulant la résiliation de plein droit du prêt consenti en cas de rupture du contrat de travail, au motif que cette clause s’inscrit dans un contrat qui présente des avantages pour le salarié et équilibre ainsi la clause de résiliation de plein droit.

La Cour de Cassation reprend les dispositions de l’article L132-1 du code de la consommation (article sur les clauses abusives, pris en sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, applicable au litige) ainsi que la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 (concernant également les clauses abusives).

L’article L132-1 du code de la consommation prévoyait notamment que : « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat ».

Par ailleurs, et suite à un renvoi préjudiciel (1) il apparaît que la Cour de justice de l’Union Européenne a dit pour dire droit que :

  1. L’article 2, sous b, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, doit être interprétée en ce sens que : le salarié d’une entreprise et son conjoint, qui concluent avec cette entreprise un contrat de crédit, réservé à titre principal, aux membres du personnel de ladite entreprise, destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier à des fins privées, doivent être considérés comme des « consommateurs ».
  2. L’article 2, sous c, de la directive, doit être interprétée en ce sens que ladite entreprise doit être considérée comme « un professionnel » lorsqu’elle conclut un tel contrat de crédit dans le cadre de son activité professionnelle, même si consentir des crédits ne constitue pas son activité principale.

Dans cette relation contractuelle, l’employeur prêteur est bien un professionnel, et le salarié un consommateur.

Sur le caractère abusif de la clause et au visa identique la Cour de Cassation distingue soigneusement les contrats et énonce que : « la résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure à ce contrat, afférente à l’exécution d’une convention distincte, une telle clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l’économie du contrat de prêt ».

  • Renvoi préjudiciel (Droit Européen) / En vertu de l’article 267 TFUE, renvoi décidé par une juridiction nationale saisissant la Cour de Justice de L’Union Européenne d’une demande d’interprétation des traités ou d’appréciation de validité et d’interprétation de droit dérivé. La Cour de justice rendra un « arrêt préjudiciel » qui permettra à la juridiction nationale de trancher le litige dont elle était elle-même saisie. Ces renvois, en raison de leur nombre (plus de 400 en 2016, soit 2/3 des saisines) et du fait qu’ils ont permis à la Cour d’élaborer ses grandes jurisprudences (primauté, droit fondamentaux…) tendent à faire d’elle une sorte de Cour suprême.