
19 Mai l’autre pandémie : le détricotage du droit du travail au nom de la relance.
Par Hervé BRY
“Il faut relancer l’économie !”. A l’heure de l’appauvrissement par effet de la pandémie, une relance ne s’obtiendrait qu’en tirant les coûts vers le bas.
Or, deux exemples très récents nous montrent combien c’est un danger immense pour notre industrie :
1/ l’affaire de NFM, fabricant de tunneliers à Lyon. Cette entreprise extraordinaire avait un bon carnet de commande mais perdait de l’argent, du fait de son ancien actionnaire chinois qui avait rapatrié une partie de la production en Chine et qui s’était lancé dans une course à la croissance sans assainir les fondamentaux de l’entreprise. Rachetée récemment par des Allemands, ces derniers n’ont pas pu éviter le dépôt de bilan, prononcé en ce début mai 2020 sans maintien de l’activité.
Désormais, nous ne savons plus fabriquer des machines à percer les montagnes ou à faire des métros.
2/ Courrier International nous apprend que, our compenser l’effet COVID19, les Indiens suspendent le droit du travail. Eh oui, il y avait un embryon de droit du travail en Inde, fruit d’efforts intenses des ONG pour faire monter un peu le niveau de responsabilité sociale et environnemental dans ce pays roi de la pollution, de la misère et des écarts sociaux. Retour à l’esclavage ou presque. L’éthique voudrait que nous ne mettions plus ce genre de pays dans nos chaînes de valeur.
Comme le dit Geoffroy Roux-de-Bézieux, président du MEDEF, il va falloir se poser des questions sur le coût du travail en France si on veut relocaliser l’industrie. Certes. Et il y a fort à parier que, devant cette “menace contre notre compétitivité”, la pression soit forte pour prendre le chemin du détricotage du droit du travail en France.
Toujours est-il que nous savons bien deux choses : la délocalisation en Inde ou en Chine est un coût : difficile à manager de loin, il faut enchaîner les déplacements pour vérifier la réalité de terrain. La non-qualité et le non-respect des délais sont monnaie courante pour l’Inde. La fuite des compétences est un problème stratégique pour la Chine. De nombreux grands groupes industriels de la Métallurgie s’y sont essayés, veulent encore y croire (par idéologie, ou par des Powerpoint et des feuilles Excel de rêve), mais boivent la tasse. Et quelle souffrance pour les salariés français qui subissent directement ces aléas en jouant les pompiers !
L’autre facteur de coût de la délocalisation est celui du non-travail en France, qui se traduit par des charges supplémentaires…..et par une hausse du coût du travail.
La loi sur le devoir de vigilance – loi de responsabilité morale des entreprises vis à vis de leur chaîne de sous-traitance et de leurs fournisseurs – doit être activée par les représentants des salariés lors des prochains CSE. C’est une urgence absolue. Sinon, le virus du détricotage social gagnera la France. Il y a déjà des foyers infectieux à ce sujet, stoppons cette épidémie à la racine.