CFTC Paris | Le point sur la discrimination
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Le point sur la discrimination

Le point sur la discrimination

Qu’est-ce qu’une discrimination ?

La discrimination consiste à traiter une personne d’une manière moins favorable qu’une autre en se fondant sur un critère illicite, c’est-à-dire prohibé par la loi. Il s’agit d’une atteinte à la dignité humaine.

Dans le domaine de l’emploi, il existe une liste limitative des critères illicites : origine, sexe, mœurs, orientation ou identité sexuelle, âge, situation de famille, grossesse, caractéristiques génétiques, appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, à une nation ou à une race, opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, convictions religieuses, apparence physique, nom de famille, état de santé, handicap, lieu de résidence (art. L. 1132-1 C. trav., art. 225-1 à 4 C. pén.).

À noter ! Les autres domaines concernés par les discriminations sont notamment le logement, l’éducation, les services publics et les services privés.

La discrimination peut être directe ou indirecte (article 1er, loi n°2008-496 du 27/05/2008) :

Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement d’un critère illicite, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins d’une justification objective de cette disposition, ce critère ou cette pratique par un but légitime et par des moyens proportionnés à la poursuite de ce but.

L’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés (Cass. soc. 12/06/2013, n° 12-14153).

Les différences de traitement sont autorisées, notamment lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée (art. L. 1133-1 à 4, L. 1142-2 et R. 1142-1 C. trav.). De même pour les mesures prises en faveur de personnes résidant dans certaines zones géographiques et permettant d’assurer l’égalité de traitement (art. L. 1133-5 C. trav.). Il s’agit d’une dérogation au principe de non-discrimination.

Important ! L’injonction de pratiquer une discrimination est aussi une discrimination (art. 1, alinéa 5, loi n°2008-496 du 27/05/2008).

Existe-t-il une distinction entre la discrimination et le principe d’égalité de traitement ?

La prohibition des discriminations n’interdit pas de traiter différemment des personnes qui se trouvent dans une situation analogue ; elle interdit de fonder cette différence sur un motif qui porte atteinte au respect de la dignité humaine, c’est-à-dire sur un des critères illicites précités (art. L. 1132-1 C. trav.). Au contraire, le principe d’égalité de traitement interdit de traiter différemment des personnes qui se trouvent dans une même situation, sur le plan salarial.

Les principales conséquences de cette distinction sont, premièrement, que la discrimination avérée ne peut jamais être justifiée alors que l’inégalité de traitement peut l’être.

Deuxièmement, la discrimination peut être condamnée même si elle n’a eu aucun effet alors que l’inégalité de traitement ne peut être condamnée qu’en cas de différence avérée de traitement. Troisièmement, la discrimination peut être constatée sans faire de comparaison avec d’autres salariés placés dans une situation analogue (Cass. soc. 10/11/2009, n°07‑42849 et 12/06/2013, n° 12-14153), alors que le constat d’une inégalité de traitement repose nécessairement sur cette comparaison.

Quels sont les actes visés par l’interdiction des discriminations ?

L’employeur ne doit pas prendre en compte un critère illicite de discrimination durant tout le déroulement la vie professionnelle du salarié. Ainsi, il ne doit pas l’écarter d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, le sanctionner, rompre sa période d’essai ou le licencier, ou prendre tout autre mesure notamment en matière de rémunération, formation, reclassement, affectation, qualification, classification, mutation ou renouvellement de contrat, en raison d’un critère illicite de discrimination (art. L. 1132-1 C. trav.).

Les agissements de harcèlement moral ou sexuel (définis respectivement aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 C. trav.) peuvent aussi constituer une discrimination ; on parle alors de « harcèlement discriminatoire » (art. 1, alinéa 4, loi n°2008-496 du 27/05/2008). Il y a « harcèlement discriminatoire » toutes les fois qu’un comportement indésirable lié au sexe, à l’âge, à la religion, etc., se manifeste, et qu’il a pour objet ou pour effet de porter préjudice à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant (art. précité).

En outre, constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ou témoigné de tels faits (art. 225-1-1 C. pén.).

Sont également protégés les salariés qui feraient l’objet de mesures discriminatoires pour avoir relaté des faits de corruption (art. L. 1161-1 C. trav.), des faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l’environnement (art. L. 1351-1 C. santé publ.) ou des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime (art. L. 1132-3-3 C. trav.).

La victime et les témoins de discriminations qui relatent les faits bénéficient d’une immunité contre les mesures discriminatoires ou disciplinaires, y compris le licenciement (art. L. 1132-1 du C. trav. pour les victimes et L. 1132-3 du C. trav. Pour les témoins). Cette immunité est garantie par la nullité des dispositions et des actes contraires (art. L. 1132-4 du C. trav.).

Le fait d’agir en justice sur la base des dispositions légales sur la discrimination ne peut justifier un licenciement, celui-ci doit être annulé (Cass. soc. 27/01/2009, n°07-43446, 07-43447, 07-43448 et 07-43451).

Qui peut aider une personne qui subit une discrimination ?

Le salarié ne doit pas hésiter à se faire aider pour la constitution de son dossier par :

  • le délégué du personnel : en vertu de son droit d’alerte, il peut saisir immédiatement l’employeur s’il constate une mesure discriminatoire ;
  • les organisations syndicales : elles peuvent agir en justice en lieu et place du salarié victime de discrimination ; elles sont recevables, à demander l’annulation de mesures discriminatoires et elles peuvent également exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’elles représentent (art. L. 1134-2 C. trav.) ;
  • l’inspecteur du travail : il dispose de moyens d’enquête renforcés lui permettant de se faire communiquer tout document ou élément d’information utile à la constatation de faits susceptibles d’établir une discrimination (art. L. 8113-5 C. trav.) ;
  • les associations de lutte contre les discriminations : les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peuvent exercer, avec l’accord de l’intéressé, l’action en justice de la personne victime de discrimination (art. L. 1134-3 C. trav.) ; par exemple SOS Racisme ;
  • le Défenseur des droits : la personne qui subit une discrimination peut s’adresser au Défenseur des droits ; toutes les informations utiles se trouvent sur le site officiel du Défenseur des droits dans la rubrique : « Saisir le Défenseur des droits ». Tél : 08 1000 5000.

Comment caractériser l’existence d’une discrimination ?

En cas de litige, le salarié qui s’estime victime de discrimination saisit le conseil de prud’hommes, et présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination directe ou indirecte. L’employeur doit alors prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les juges du fond contrôlent la réalité et la pertinence des raisons objectives avancées par l’employeur (art. L. 1134-1 C. trav.).

À savoir ! Un candidat à une embauche ne peut exiger de l’employeur qu’il lui indique sur la base de quels critères il a recruté un autre candidat. Toutefois, le silence de l’employeur permet de présumer l’existence d’une discrimination (CJUE, 19 avril 2012, aff. C-415/10).

Attention ! Toutefois, cet aménagement de la charge de la preuve ne s’applique pas en cas de plainte au pénal. La présumée victime doit donc établir les faits constitutifs de l’infraction et l’intention discriminatoire. En matière pénale, le doute profite à l’accusé ; en matière prud’homale, le doute profite au salarié.

Quelles sont les sanctions encourues par l’auteur de discrimination ?

L’employeur qui prend des mesures discriminatoires encourt des sanctions civiles :

  • la nullité des mesures discriminatoires (art. L. 1132-4 C. trav.) ;
  • la réparation intégrale du préjudice subi (art. L. 1134-5 C. trav.).

Ainsi, le juge peut condamner l’employeur à réparer au salarié le préjudice financier, le préjudice moral, la perte des droits à la retraite, le repositionnement du salarié dans la grille de classification de l’entreprise, … Il s’agit de replacer le salarié dans la situation dans laquelle il se trouverait si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu.

Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et la résiliation judiciaire de son contrat de travail, y compris s’il a perçu un salaire pendant cette période (Cass. soc. 11/07/2012, n°10-15905).

L’employeur qui prend des mesures discriminatoires encourt aussi des sanctions pénales : l’article 225-2 du Code pénal punit les personnes physiques d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende en cas de refus d’embauche, de refus d’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, ou en cas de licenciements fondés sur un motif discriminatoire. Les personnes morales sont, quant à elles, passibles d’une amende de 225 000 € (art. 225-4 et 131-38 C. pén)..

En outre, sont punis d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 € les faits de discrimination(s) commis à la suite d’un harcèlement moral ou sexuel (art. L .1155-2 C. trav.).

Attention ! L’action en réparation de la discrimination se prescrit par 5 ans à compter de la révélation de la discrimination (art. L. 1134‑5 C. trav.). La saisine du Défenseur des Droits n’interrompt pas les délais de prescription.

L’interdiction des discriminations concerne-t-elle d’autres domaines que la relation de travail ?

Dès 2004, l’interdiction des discriminations a été étendue à d’autres domaines que la relation de travail (article 19 de la loi n°2004-1486 du 30/12/04).

Aujourd’hui, c’est l’article 2 de la loi n°2008-496 du 27/05/2008 qui interdit toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race en matière de protection sociale, de santé, d’avantages sociaux, d’éducation, d’accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services.

Cette disposition légale interdit la discrimination dans les relations de travail indépendant ou non salarié.

Elle interdit également toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion ou les convictions, le handicap, l’âge, l’orientation ou l’identité sexuelle, le lieu de résidence en matière d’affiliation et d’engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris pour les avantages que cette adhésion procure.

L’aménagement de la charge de la preuve est le même qu’en droit du travail. Il appartient à la victime d’établir les faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination raciale. Il incombe ensuite au défendeur de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Cet aménagement de la charge de la preuve s’applique devant les juridictions civiles et administratives mais non devant les juridictions pénales (art. 4, loi n°2008-496 du 27/05/2008).