CFTC Paris | les plafonds d’indemnisation et la hiérarchie des normes
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les plafonds d’indemnisation et la hiérarchie des normes

les plafonds d’indemnisation et la hiérarchie des normes

Après les Conseils de Prud’hommes du Mans, Troyes, Amiens et Lyon, c’est au Conseil de Prud’hommes de Grenoble d’écarter les plafonds d’indemnisation prévus en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et issus de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui encadrent et limitent l’indemnisation des salariés en fonction de leur ancienneté et non selon le principe de réparation intégrale du préjudice subi.

Il s’agissait en l’espèce d’un aide-monteur d’échafaudage, embauché le 24 avril 2017. Le 5 avril 2018 il est victime d’un accident de travail, et est « remercié » par SMS le 25 avril 2018.

Un  recommandé du 26 avril 2018 lui signifie la fermeture de l’entreprise et en conséquence qu’il est libéré de son contrat de travail.

Les motivations du jugement que certains trouveront peut-être un peu « passionnées » ont une raison juridique qui semble à prête à affronter l’épreuve de la contradiction.

En effet, après un rappel de notre ordonnancement juridique (la hiérarchie des normes*) et notamment de l’article 55 de notre Constitution qui indique que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois […] », le Conseil rappelle également que s’il appartient au Conseil constitutionnel de contrôler la conformité des lois à notre constitution (contrôle de constitutionnalité) le contrôle de la conformité des lois par rapport aux conventions internationales ( contrôle de conventionalité) appartient en revanche aux juridictions ordinaires sous le contrôle de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat. Qu’en conséquence ce contrôle peut conduire, lors de l’examen d’un litige à écarter la loi française pour faire prévaloir la convention internationale afin de résoudre celui-ci.

Et le Conseil continue son raisonnement en énonçant que l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT sur le licenciement ratifié par la France le 16 mars 1989, stipule que si les tribunaux arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérées comme appropriée.

Que l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 ratifiée par la France le 7 mai 1999 a repris ce même principe, à savoir : « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement les parties s’engagent à reconnaître :

  1. le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable, lié à leur aptitude ou conduite ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service.
  2. Le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

Que le Comité européen des droits sociaux, organe en charge de l’interprétation de la charte, s’est prononcé sur le sens qu’il convenait de donner à l’indemnité adéquate et à la réparation appropriée :

« Les mécanismes d’indemnisation sont réputés appropriés lorsqu’ils prévoient :

– le remboursement des pertes financières subies entre la date du licenciement et la décision de l’organe de recours ;

– la possibilité de réintégration ;

– des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime.

Le Conseil de Prud’homme conclu ses motivation en énonçant  que les barèmes  prévus par l’article L1235-3 du code du travail sont  contraires aux dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne, des articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT, au droit au procès équitable et donc inconventionnels.

Le Conseil accorde alors au salarié qui avait moins d’un an d’ancienneté plus de 2 mois de salaire brut au titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Affaire à suivre…

Conseil de Prud’homme de Grenoble, 18 janvier 2019 N°18-00989

(*) La hiérarchie des normes est le classement hiérarchisé des normes, c’est-à-dire des règles de droit qui composent notre système juridique. Elle est fondée sur le principe qu’une norme doit respecter celle du niveau supérieur. Elle garantit la stabilité et la cohérence de l’ordre juridique. hen