
19 Déc L’intelligence du travail
Vous avez apprécié « Le travail invisible », vous adorerez « L’intelligence du travail », le dernier ouvrage de Pierre-Yves GOMEZ.
Et si vous ne connaissez pas encore cet économiste, Docteur en gestion et Directeur de l’institut Français de gouvernement des entreprises à l’EMLYON Business School, il est grand temps de le découvrir.
Nous avons fini par oublier que nous sommes des travailleurs avant d’être des consommateurs nous dit-il…
La machine supérieure à l’homme ?
« Depuis le début de la modernité, l’homme se cache derrière ses machines et il leur impute des exploits qui sont, en fait, les siens. Etrange attitude, car seul le travail humain pense les techniques, les produit, et donne une signification à leur usage ». « La technique amplifie ou allège l’effort humain, elle le déplace, elle peut remplacer des emplois, mais elle ne remplace pas le travail de l’homme car elle produit mais elle n’a pas l’intelligence de ce qu’elle produit. Seule l’intelligence du travail humain lui donne un sens. »
« Si, pour le financier, une machine est un coût d’investissement qu’il faut optimiser au bénéfice de ceux qui la possèdent, alors il faut lui dire que subordonner le travail humain au rendement d’une machine, est indigne d’une société libre. A l’âge du pain, le paysan n’utilisait pas sa bêche à tout moment sous prétexte qu’elle ne serait pas amortie s’il ne s’en servait pas… »
La place de l’homme dans l’entreprise
« La solidarité s’effrite parce que l’entreprise néolibérale ne se reconnaît plus comme une communauté de travail ». « Les licenciements répétés érodent la confiance, non seulement sur l’avenir que le contrat de salariat était supposé garantir, mais aussi sur la réalité de la communauté de travail que les salariés croyaient former. Ces derniers se perçoivent comme des pions interchangeables, menacés même d’être remplacés par des robots, ce qui accroît la démobilisation générale. Les plus motivés se crispent pour défendre les avantages acquis. La plupart se replient, hors de l’entreprise, sur le travail domestique. Ils se prennent à rêver de cultiver des potagers ou de se mettre à leur compte. Ou bien ils exploitent leurs talents dans les communautés collaboratives, sur Internet, dans des lieux où leur travail est autonome et immédiatement valorisant. Le salarié a donc la tête ailleurs. »
« Face à cette débandade de l’engagement, les entreprises proclament des discours martiaux sur le déferlement de la compétition mondiale, que leurs claires visions stratégiques, leurs ambitions collectives et même leurs valeurs devraient permettre d’endiguer. Dans une société saturée de communication, cette rhétorique est d’autant plus vaine qu’elle est contredite par les faits : les stratégies varient selon les occasions et les valeurs selon les circonstances. »
Le personnel d’encadrement
« Utilisant les stocks d’outils gestionnaires que l’incroyable créativité des consultants et des cabinets spécialisés ne manque pas de leur fournir, ils sentent que ces outils, pas plus que la gestion par les comptes, les nombres et les valeurs comptables, ne disent pas la vérité. Ils sont bombardés d’informations auxquelles ils doivent répondre dans des délais toujours plus courts. Leur temps n’est plus celui des autres, il se contracte jusqu’à l’instantané. Tout est urgent, tout est pressé, mais l’activité réelle telle qu’elle s’incarne dans le travail de leurs collaborateurs leur échappe. Faute de temps, ils n’en connaissent que des réductions statistiques, des évaluations chiffrées et ils la gèrent comme à tâtons. Leur propre travail est ainsi déréalisé. Ils ressemblent à ces fonctionnaires qui pilotaient la défunte URSS à l’aide de plans et de tableaux dont tout le monde savait qu’ils n’avaient aucune signification, mais que l’on feignait d’utiliser comme un miroir de la réalité. Comme leurs homologues soviétiques, ils vivent sous le régime de la menace aux frontières, de la guerre, de la compétition internationale qui agit comme un stimulant pour donner du sens à ce qui n’en a pas. Des études ont montré que les managers passent un tiers de leur temps à faire des rapports et la moitié à participer à des réunions de coordination. Ils ne font plus leur métier qui consiste à stimuler, à encourager, à accompagner le travail bien fait, sensé utile, dont on peut être fier parce que la société en bénéficie ».
Pour Pierre-Yves GOMEZ : A l’heure de la digitalisation, de la robotisation et des révolutions dans le management des entreprises, une grande bataille a commencé. Ce n’est plus celle des prolétaires contre les capitalistes, c’est celle qui oppose, jusqu’en chacun de nous, la cité du travailleur à la cité du consommateur. Laquelle des deux l’emportera sur l’autre ?
A nous de jouer !
Pierre-Yves GOMEZ
« Intelligence du travail »
Edition : Desclée de Brouwer
Prix : 15,90 €