27 Fév Pacte de Responsabilité, la position de la CFTC
La CFTC a souvent dénoncé l’insistance exagérée du patronat sur la seule question du coût du travail
Pour expliquer les difficultés de l’économie française. Pour la CFTC, c’est moins le coût du travail
qui est responsable de ces difficultés, que l’insuffisance des investissements et du développement hors coût (avance technologique, adaptation précise aux besoins des acheteurs, disponibilité, design, services liés aux produits, marketing, innovation dans les processus de production…).
La CFTC est consciente que la baisse des marges bénéficiaires empêche les entreprises françaises
D’investir. Aujourd’hui les banques répugnent à prêter aux entreprises faiblement bénéficiaires et la
Perspective de faibles rentabilités bride les projets des entrepreneurs. De ce fait, pour innover et
Investir, technologiquement ou non, il faut des moyens propres et de l’autofinancement. Et pour la
CFTC, l’investissement productif d’aujourd’hui est la clé de l’emploi de demain.
Si la nécessité de reconstituer les marges bénéficiaires des entreprises se conçoit dans la perspective
D’une relance de leurs investissements productifs, la CFTC souhaite qu’ils conduisent à une amélioration de la qualité des biens et des services produits. La CFTC plaide ainsi pour la montée en gamme de la « marque France » et pour la traçabilité sociale. C’est-à-dire pour une meilleure
Information des consommateurs sur le respect des droits fondamentaux des travailleurs tout au long de la chaine de fabrication et de distribution.
2. LA CFTC CONTRE UN DESENGAGEMENT TOTAL DES ENTREPRISES DE LA BRANCHE
FAMILLE
Pour redonner aux entreprises des moyens d’investir, le Président de la République a annoncé la
Suppression des cotisations patronales destinées à la Branche Famille pour 2017. La programmation de la fin des cotisations « Famille » d’ici 2017 constitue pour la CFTC une forte source d’inquiétude. Représentant 62 % du financement total de la branche Famille, leur suppression questionne plusieurs aspects de la vie des entreprises comme de celle de milliers de familles. Cela menace dangereusement l’avenir de la branche Famille comme celui de notre pacte social.
2.1. LES RAISONS DE LA PARTICIPATION DES ENTREPRISES AU FINANCEMENT DE LA BRANCHE FAMILLE
Pour la CFTC, c’est de la responsabilité et de l’intérêt des employeurs de participer à la conciliation vie familiale/vie professionnelle. La cotisation employeur est une juste participation à la conciliation vie familiale/vie professionnelle et contribue de la sorte à la compétitivité des entreprises tout en participant à l’établissement du nécessaire lien collectif entre les différents corps intermédiaires.
Le fait que les entreprises continuent à financer en partie la branche Famille n’a rien d’anachronique. Aujourd’hui, ce financement contribue pour beaucoup à la conciliation de la vie familiale/vie professionnelle. Selon la Cour des comptes, cela représenterait 10 à 15 Md€, soit
1,4 à 1,8 point de cotisation patronale. Du fait de l’absence de mesures dans de nombreuses entreprises pour aider les salariés à concilier leurs responsabilités familiales et professionnelles
Et réduire les inégalités, notamment entre les femmes et les hommes. La CFTC juge légitime
que les entreprises contribuent à une politique publique dont elles sont largement bénéficiaires. En effet, cela leur permet de disposer d’une main-d’oeuvre qualifiée, motivée,
disponible et ainsi de gagner en efficacité et compétitivité.
2.2 LA CFTC POUR UN FINANCEMENT ALTERNATIF DE LA MESURE
Au vu des raisons évoquées ci-dessus, la CFTC ne peut accepter un désengagement total
Des entreprises du financement de la branche Famille qu’il s’agisse du court, du moyen ou
Du long terme.
Elle formule en revanche des propositions alternatives qui, tout en répondant à l’objectif d’une
Diminution des prélèvements obligatoires, poursuivent celui d’une modernisation et d’une simplification des dispositifs d’exonération.
La CFTC propose que si le taux de cotisation patronale Famille devait être réduit, cette diminution devrait être faite en une seule étape dans le cadre de la préparation du PLFSS 2015. Elle ne saurait être suivie d’une autre baisse pour les années suivantes. Cette diminution de recettes peut être partiellement comblée par une réaffectation des produits de la CSG de la branche maladie vers la branche Famille dans le sens d’une clarification et d’une plus grande cohérence entre la nature des financements et celle des dépenses. Ces deux dispositions impliquent concomitamment que des mesures d’économies soient adoptées en matière de santé, sans en diminuer la qualité et le caractère solidaire et que soit effectué un recentrage de la branche Famille sur ses champs fondamentaux et ses missions originelles.
La CFTC a soutenu la création du CICE, dispositif général de diminution du coût du travail. Ce dispositif mis en place en 2012 démarre tout juste sa montée en charge. Les premiers travaux du Haut Conseil au Financement de la Protection Sociale font état de difficultés techniques et juridiques, qu’occasionnerait une évolution articulée de ce dispositif avec celui des allègements généraux de cotisations. Les conséquences économiques sont également connues et ne plaident pas, selon la CFTC, en faveur d’un rapprochement des deux systèmes. La CFTC propose donc le maintien temporaire du CICE dans ses modalités actuelles, mais souhaite que l’arrêt du dispositif soit prévu à horizon 2017.
La CFTC souhaite que la période qui s’ouvre et qui va jusqu’à l’arrêt du CICE soit mise à profit pour réformer de façon ambitieuse le système d’exonérations de cotisations. Nous demandons également une suppression d’exonérations ciblées dont la coexistence avec les allègements généraux conduit à des conflits d’objectifs et des incohérences.
Contrairement à l’option de « suppression totale de la cotisation Famille », cette autre approche
du financement du pacte de responsabilité présente pour la CFTC, l’avantage de la réversibilité.
Le non-respect des engagements pris dans le cadre du pacte ou la non-efficacité du dispositif au regard des objectifs fixés (création d’emplois, investissements productifs et autres aspects qualitatifs de l’emploi) entrainerait ainsi sa disparition.
2.3 LA CFTC DEFENDRA LE MAINTIEN D’UN FINANCEMENT PAR L’ENTREPRISE DES MISSIONS PREMIERES DE
LA BRANCHE FAMILLE
Le soutien aux familles via les prestations familiales : Les prestations familiales, à commencer par les allocations familiales, devront impérativement être maintenues en lien avec l’entreprise. Elles s’avèrent être non seulement l’outil d’une politique de redistribution, mais également une aide précieuse pour toutes les familles.
Une offre d’accueil “de garde d’enfant” suffisante et de qualité : C’est précisément là que réside une grande partie de l’enjeu de la conciliation vie familiale/vie professionnelle. Malgré l’augmentation ces dernières années du nombre de crèches, on ne comptait en 2011 que 50 places d’accueil pour 100 enfants de moins de 3 ans. La CFTC rappelle que l’accès à un mode de garde accessible pour les jeunes enfants est une condition sine qua non pour pouvoir conserver une activité professionnelle.
Des congés parentaux pour laisser le libre choix aux parents : Pour permettre aux parents de concilier leurs responsabilités familiales et professionnelles, il faut offrir des modes de garde suffisants. La branche Famille doit également continuer à permettre aux parents de choisir la solution qui leur semble la plus adaptée à leur situation et à leurs souhaits. (Réduction ou cessation momentanée de l’activité professionnelle).
Des aides pour que chaque Famille puisse accéder à un logement décent : Parce que le logement est un droit premier et universel, il est plus que jamais au cœur des préoccupations des Français. Parce que l’insuffisance de logements pénalise le développement de l’emploi et le bienêtre des Familles, la CFTC estime que les allocations logement doivent rester au cœur des missions prioritaires de la branche Famille. Grâce à son réseau des CAF réparti au cœur des territoires, les besoins sociaux, économiques et environnementaux auxquels sont confrontées les familles sont identifiés. La branche Famille peut ainsi y répondre et contribuer à concrétiser le lien entre le logement et le développement économique local.
3. QUELLES GARANTIES EN MATIERE DE COMPENSATION ?
Quelles que soient les modalités de financement retenues par le gouvernement, la seule certitude à court terme résultant de la mise en oeuvre du pacte concerne les finances publiques. 30 milliards d’allègement de cotisations patronales, ce sont assurément et immédiatement autant de recettes en moins pour les comptes de la sécurité sociale. Certes, la logique même du pacte censé dynamiser l’emploi conduit théoriquement à un rééquilibrage des comptes du fait de l’entrée ou du maintien dans l’emploi de salariés qui sont aussi des cotisants. La question de l’ampleur et du « timing » du supposé rééquilibrage se pose alors.
Le Président de la République a formulé quelques pistes de compensation centrées sur la réduction des dépenses publiques au moyen de réformes d’ordre structurelles. Notons parmi celles-ci, une redéfinition des missions de l’Etat, un rapprochement des collectivités territoriales ou encore une rationalisation / optimisation des dépenses d’assurance maladie. Si la CFTC peut admettre la pertinence, la légitimité de ces options, elle formule cependant les mises en garde et interrogations suivantes.
La redéfinition des missions de l’Etat comme des contours de nos collectivités territoriales ne peut se concevoir sans une participation active des représentants des agents des fonctions publiques. Il
en va pour la CFTC de la préservation de la qualité des services rendus aux différents échelons du territoire national.
Dans cette même logique, l’effort de rationalisation / optimisation des dépenses maladie ne saurait s’opérer au détriment de l’état réel de santé de nos concitoyens. Diverses études de la
Cour de Comptes et de l’Assurance maladie semblent attester de la faisabilité d’un programme d’économie pouvant atteindre jusqu’à 17 milliards d’euros annuels sans entraver l’accès au soin, le niveau de remboursement et de prestation. La CFTC entend cette possibilité. Elle rappelle cependant
que ces chiffres ne peuvent capter que les pistes d’économies, tandis que le comportement de renoncement aux soins est de plus en plus fréquent parmi la population. Selon un baromètre
CSA, un tiers des Français renonce aux soins médicaux pour raisons financières en 2013. Cette problématique du renoncement aux soins ne doit ainsi pas être écartée dans la mesure où le risque sanitaire qu’elle fait peser sur la population annihilerait tous les futurs efforts de maitrise des dépenses entrepris par l’Assurance maladie.
Concernant le rapprochement des collectivités territoriales, la CFTC peut adhérer, indépendamment du pacte de responsabilité, à l’ambition affichée par le Président de la République de réformer en profondeur l’organisation de notre Etat dont l’articulation entre régions, départements, communautés de communes et communes est non sans raison souvent qualifiée de « millefeuille administratif ». La question est de savoir si, dans le cadre du pacte de responsabilité, cette mesure de compensation des allègements de cotisations est pertinente au regard de sa capacité à dégager dans le temps imparti les économies de dépenses. Non directement compétente en la matière, la CFTC avant de se prononcer, attend d’avoir connaissance d’études récentes et approfondies en la matière pour apprécier cette capacité.
Les propositions du Président de la République présentent quelques similitudes avec le rapport remis
en 2009 par le Comité Balladur sur la réforme de l’Etat. Une étude KPMG sur ce même rapport, remise à l’Assemblée des départements de France formule des constats significatifs : cette dynamique de rapprochement “produirait des gains financiers faibles à court terme, peu significatifs à long terme”, selon ces experts. Cette étude chiffre à 600 millions d’euros, soit moins de 0,7 % de leurs dépenses, les gains issus de la fusion des départements et des régions.
Si la CFTC réitère son engagement à œuvrer pour la réussite du pacte de responsabilité, la faisabilité aux échéances fixées du programme de réduction des dépenses comme moyen privilégié de compensation des allègements lui apparaît pour le moins incertaine. Elle redoute alors, ce qu’elle ne saurait accepter et qui serait contraire aux annonces du Président de la République, à savoir un transfert de charges vers les ménages sous une forme ou sous une autre.
4. LA CFTC POUR DES CONTREPARTIES NEGOCIEES DANS LES BRANCHES ET/OU
ENTREPRISES
Pour la CFTC, le pacte de responsabilité ne saurait donc se concrétiser en l’absence d’un signal
Préalable fort de la partie patronale, quant à sa volonté de contractualiser, sous une quelconque forme, des contreparties.
Pour la CFTC, les organisations patronales doivent proposer et fixer un cap, une stratégie concrète visant à relancer l’investissement productif, la montée en gamme de nos biens et services notamment, afin de créer des emplois de qualité. La mise en œuvre des caps et stratégies ainsi énoncés s’appuiera sur un dialogue social renforcé.
Parce que les problématiques d’entreprises, les conditions de leur compétitivité varient d’un secteur à
L’autre, selon des leviers multiples (taille, natures de l’emploi, conditions de marchés…), la CFTC
Privilégie une approche à la fois ciblée et différenciée de la définition des contreparties. Elle
Distingue la création d’emplois directs, de l’investissement productif qui conditionne plus indirectement
Le maintien et la création d’emploi sur le plus long terme.
L’attractivité des métiers est un levier important qu’il ne faut pas négliger. Des milliers d’emplois
ne trouvent pas preneurs chaque année et cela concerne des secteurs d’activité entiers ; tels que la boucherie ou la poissonnerie qui n’arrivent pas à pourvoir tous leurs postes. Ce sont souvent des métiers qui sont perçus, comme pénibles ou alors tout simplement méconnus. Nous demandons à ce que les branches, par le biais des organisations syndicales et patronales, dont les métiers souffrent d’un manque d’attractivité, mettent en place des campagnes de sensibilisation et d’information auprès des jeunes pour promouvoir ces métiers. Ces campagnes pourraient être faites avec le concours des pouvoirs publics et des territoires pour mieux coller aux besoins régionaux en termes d’emploi. Les résultats seraient mesurés par l’observatoire des contreparties qui sera mis en place.
Autre type de contrepartie revendiquée par la CFTC relative aux diverses composantes d’une compétitivité hors coût. Les travaux actuels de la Plateforme globale sur la Responsabilité Sociale
Des Entreprises (RSE) du Commissariat à la stratégie et à la prospective établissent sur des bases scientifiques le lien entre compétitivité et RSE. Ainsi, la formation, la qualité de vie au travail, les conditions de travail, l’égalité professionnelle, mais également l’efficacité énergétique, la réduction des déchets et l’éco conception des produits (économie circulaire), la qualité du dialogue social, la participation des salariés aux décisions stratégiques ou encore la qualité et la durabilité de la relation entre donneurs d’ordre et sous-traitants sont autant de vecteurs de compétitivité globale de nos Entreprises. Travailler sur la compétitivité hors coût ou compétitivité globale pourrait être l’un des éléments clés du pacte de responsabilité permettant par la même occasion de sortir du tropisme de la compétitivité prix.
Enfin, favorable à un mix entre « relance par l’offre » et « relance par la demande », la CFTC veillera à ce que la redynamisation des négociations salariales figure parmi les contreparties ; et plus particulièrement dans les branches connues pour être inactives sur cette question, depuis de trop nombreuses années. Les acteurs des divers secteurs et branches professionnelles, côté patronal comme salarial, sont les plus à même d’apprécier, puis définir les axes pertinents d’un développement conjoint de l’emploi et de la compétitivité des entreprises. Il appartient aux négociateurs dans les entreprises et/ou dans les branches, de contractualiser les contreparties à l’allègement de cotisations. Concernant le monde des très petites entreprises (- de 11 salariés) dépourvues de représentation du personnel, le dialogue social autour de ces contreparties pourrait s’engager au niveau des territoires. Dans un souci de simplicité autant que d’efficacité, la CFTC préconise pour le secteur artisanal de saisir les Commissions Paritaires Régionales Interprofessionnelles de l’Artisanat (CPRIA) comme instance de dialogue. Pour les autres secteurs, il conviendra de mettre en place des instances similaires de dialogue social territorial.
Dans cette logique de renforcement du dialogue social par le biais du pacte de responsabilité, la CFTC pose comme contrepartie aux allègements de cotisations une plus grande association des IRP aux décisions économiques et stratégiques de l’entreprise.
Enfin, la CFTC considère que les accords ainsi négociés constitueraient le meilleur indicateur de suivi et de mesure des engagements pris. Il reviendra à l’Observatoire des contreparties annoncé par le Président de la République d’apprécier la qualité des accords au regard des efforts financiers réalisés par la Communauté Nationale et de leurs contributions aux objectifs assignés au pacte et, si besoin, d’en corriger les effets.