
26 Juil Pour l’été rediffusion des chroniques de Joseph Thouvenel.
Chronique de Joseph THOUVENEL du 20 octobre 2015 sur Radio Notre Dame (100.7)
Cela fera bientôt un siècle qu’est décédée une triste figure du patronat français.
Justement occupés à crier misère, à réclamer la dérégulation générale et engranger des subventions, je crains que ses pairs n’oublient de mettre en garde contre les agissements de cet industriel dévoyé.
Que l’avenue Bosquet se rassure, d’autres sont là pour y penser.
Né dans les Ardennes, fils et petit-fils de manufacturier du textile, Léon HARMEL pris la tête de l’entreprise familiale à l’âge de 25 ans.
Son père, Jacques Joseph HARMEL, malheureusement imprégné des conceptions morales et philanthropiques du catholicisme, avait déjà perverti l’esprit ultralibéral qui sied à tout bon capitaliste en instaurant des dispositifs novateurs pour ses salariés. Comme des prêts sans intérêt ou une société de secours mutuel…
Intoxiqué par ce mauvais exemple paternel, Léon créé des écoles pour garçons et pour filles et des assurances pour les ouvriers.
Mais surtout, il entreprend de faire de son usine une communauté de travail où les salariés dirigent eux-mêmes les œuvres sociales et, horreur, il fait participer les travailleurs à la direction de l’entreprise.
Ce sont les conseils d’usines.
Le conseil est composé d’ouvriers élus qui se réunissent avec leur dirigeant tous les 15 jours. Ils sont appelés à donner leur avis pour toute modification de salaire, pour les questions d’accidents, d’hygiène, d’apprentissage et de travail. Ils étudient les réformes qui pourraient faciliter le travail et le rendre plus efficace.
Les ouvrières ont leur conseil spécial qui a les mêmes attributions.
De quelle façon Léon HARMEL justifie-t-il de telles abominations en plein XIXème siècle ?
Lisons ses déclarations délirantes…
« Comment un ouvrier peut-il s’intéresser à son travail si le patron le laisse ignorant de toute la marche de l’usine, s’il ne l’intègre pas pour ainsi dire dans tous les rouages, ne lui laisse pas l’initiative nécessaire au développement de sa personnalité ? Toutes ses bontés, en dehors de cela, passeront à côté, ce sera la générosité du riche vis-à-vis du pauvre, ce ne sera plus la compréhension fraternelle, l’amour véritable ».
Passant du délire aux actes…. Léon décide de bâtir un cadre harmonieux pour les employés de l’usine.
Des logements sont construits au milieu d’un parc, des équipements sociaux culturels et syndicaux sont édifiés.
La maison des syndicats est dotée d’une salle de billard, d’une bibliothèque, d’une buvette, le tout non loin de la chapelle du domaine.
Le pire, c’est que ce dangereux idéaliste dépose avec ses salariés de nombreux brevets concernant de nouvelles méthodes de production.
La filature se dote d’une teinturerie, une filiale est créée en Catalogne….
A la veille de la première guerre mondiale, l’entreprise travaille à 50 % pour le marché français, à 50 % pour l’exportation.
Au vu d’un bilan si négatif, il est bien normal que l’œuvre de Léon HARMEL soit si peu célébrée.